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Jurisprudence

L’impossibilité d’agir doit être démontrée avant et après la période de suspension des délais civils

Dans Ewert c. Lalande, 2020 QCCA 1141, la Cour d’appel analyse l’impact de la suspension des délais civils durant l’état d’urgence sanitaire lorsqu’une personne prétend avoir été dans l’impossibilité de déposer un appel à l’intérieur du délai normal.

Faits

Le 28 novembre 2019, le jugement de première instance est rendu et le 27 décembre 2019, l’appelant produit un avis d’appel, c’est-à-dire dans les 30 jours du jugement. Or, en vertu de la décision Snooks c. Procureur général du Canada, 2020 QCCA 586, en matière carcérale, pour les demandes d’habeas corpus visant un transfèrement non sollicité, le délai d’appel est de 10 jours en vertu l’article 361 du Code de procédure civile et non 30 jours comme c’est le cas en matière criminelle. L’appelant a donc produit son appel hors délai.

Le 28 juin 2020, l’appelant réagit en demandant de produire son appel hors délai. Or, à ce moment, l’appelant est à l’extérieur du délai de six mois pour ce faire (art. 363 C.p.c.).

Décision

La Cour précise d’abord — sans surprise — que la période d’urgence sanitaire (15 mars au 31 aout 2020) suspend la période de six mois pour demander la permission d’introduire un appel hors délai (art. 363 C.p.c.). Bref, à partir de mars 2020, l’appelant n’a plus à justifier son inaction.

Cependant, la Cour rappelle que cette suspension n’est valide que pour la période visée par le décret. Ainsi, si la période d’inaction se déroule avant ou après la période de suspension, la partie doit démontrer son impossibilité d’agir durant ces périodes. En l’espèce, l’appelant devait donc démontrer son impossibilité d’agir entre décembre 2019 et mars 2020 afin d’être autorisé à produire son appel hors délai. La Cour juge que cette démonstration a été faite. En raison de l’incertitude sur l’état du droit, il s’agit « d’une erreur excusable à l’égard du délai d’appel applicable. » (paragr. 16). L’incertitude n’a été levée qu’avec la décision Snooks c. Procureur général du Canada le 24 avril 2020.

Commentaire

La décision de la Cour est tout à fait justifiée. La période de suspension des délais n’excuse pas tout retard antérieur ou postérieur à la période. De même, il est intéressant que la Cour reconnaisse que l’incertitude sur l’état du droit quant au délai d’appel applicable constitue une impossibilité d’agir. N’eût été la conclusion sur ces aspects, il aurait été intéressant de savoir si la Cour aurait pu considérer, en vertu de la doctrine nunc pro tunc, le dépôt d’un avis d’appel comme une demande de permission d’en appeler hors délai. La jurisprudence ne semble pas encore avoir été confrontée à cette question.

Pour consulter la décision complète : Ewert c. Lalande, 2020 QCCA 1141.

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