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La collaboration lors d’une demande à la Cour d’appel de suspendre l’exécution provisoire

La décision C.C. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ), 2020 QCCA 1543, n’a rien d’inédit quant à l’application des critères connus (et difficiles) pour l’octroi d’une permission d’en appeler d’une ordonnance de sauvegarde (art. 31 C.p.c.). Par contre, la juge Gagné passe quelques commentaires aux avocats un peu trop pressés d’exécuter provisoirement un jugement.

Faits

Le CIUSSS MCQ demande à la Cour supérieure d’ordonner le transfert en CHSLD de C.C. Le matin du procès, les avocats de C.C. demandent une remise. Le juge Geoffrey entend brièvement la preuve, accorde la remise, mais prononce une ordonnance de sauvegarde pour transférer tout de même C.C. en CHSLD en attendant l’audience. L’ordonnance est déclarée exécutoire nonobstant appel.

Le lendemain, les avocats de C.C. indiquent à la partie adverse avoir l’intention de faire appel et de demander la suspension d’exécution provisoire, ce qu’ils font le surlendemain. Trop tard : au moment de l’audience devant la juge d’appel, 48 h après la décision, C.C. a déjà été transféré.

Décision et commentaire

La juge Gagné critique l’intransigeance des avocats d’avoir exécuté l’ordonnance de sauvegarde, malgré l’intention claire des avocats de C.C. d’en demander la suspension : « [c]e manque de déférence et cet empressement à court-circuiter la procédure d’appel doivent être dénoncés » (paragr. 11). Bref, en l’absence d’indication d’extrême urgence, une partie ne devrait pas exécuter un jugement dans les heures qui suivent son prononcé, lorsque l’autre partie manifeste son intention d’en demander la suspension d’exécution provisoire promptement. Il s’agit d’un bon exemple de l’obligation de bonne foi et de coopération procédurale (art. 19 et 20 C.p.c.).

Pour consulter la décision complète : C.C. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ), 2020 QCCA 1543.

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Une partie ne peut demander que l’exécution partielle d’un jugement soit versée directement à son avocat

Dans Fondaction (Fonds de développement de la Confédération des syndicats nationaux pour la coopération et l’emploi) c. Poutres Lamellées Leclerc inc., 2020 QCCA 569, la juge Gagné accueille une demande de suspension d’exécution d’un jugement le temps pour une partie de demander l’autorisation à la Cour suprême de porter appel. La juge tente de trouver un équilibre entre la partie souhaitant faire appel et celle subissant un autre report d’exécution du jugement… mais pas jusqu’à permettre que l’exécution partielle serve prioritairement à financer la défense en Cour suprême.

Faits

Les intimés obtiennent en première instance et en appel une condamnation des appelants pour divers abus commis dans le financement d’une société. La somme octroyée atteint près de 8 900 000 $ avec les intérêts. Les appelants souhaitent demander à la Cour suprême la permission d’en appeler. Les intimés se plaignent de voir se poursuivre un abus commis en 2001 en aggravant leur épuisement financier.

Décision

La juge Gagné accueille la demande de suspension d’exécution en rappelant les trois critères bien connus (questions sérieuses, préjudice irréparable et prépondérance des inconvénients). Elle rappelle que le risque de ne pouvoir recouvrer les sommes versées durant un appel à la Cour suprême constitue pour la partie condamnée un préjudice irréparable aux fins d’une demande de suspension du jugement de la Cour d’appel. À la lumière des dettes des intimés, ce risque semblait ici bien réel.

Afin d’éviter de voir prolonger leur épuisement financier, les intimés demandaient donc à ce que la juge « innove » en ordonnant aux appelants de verser une somme aux avocats des intimés pour assurer leur défense en Cour suprême. Or, la juge rappelle qu’il n’existe aucun droit substantif ni procédural à ce que l’avocat bénéfice directement d’une condamnation en faveur de son client, même quant aux frais de justice (art. 343 C.p.c.). On comprend aisément la demande des intimés : aux vues de leurs dettes importantes, il est fort à parier que toute exécution partielle profite à leurs nombreux créanciers, plutôt qu’à leur avocat.

La juge reste toutefois insensible à ses arguments, préférant une généreuse exécution partielle (près d’un million de dollars et les frais de justice en première instance), au versement de sommes directement aux avocats.

Pour consulter la décision complète : Fondaction (Fonds de développement de la Confédération des syndicats nationaux pour la coopération et l’emploi) c. Poutres Lamellées Leclerc inc., 2020 QCCA 569.